En 1847, leur fille Julie [2] Letourneau se marie avec Louis Boulay.
En 1879, leur fille Louise [1] Boulay se marie avec Jean-Baptiste Guillé.
En 1907, leur seconde fille, Louise [2] Guillé, se marie avec Michel Lamy, le futur capitaine.
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La jeunesse de Michel Lamy
De sa naissance le 17 juillet 1885 à La Bigottière (Mayenne) jusqu’à son entrée à l’École Normale d’instituteurs de Laval (1er octobre 1902), nous ne savons que ce que le mémorandum de Michel Lami nous rapporte sur son père :
« Ses parents, à force d’économies, réussissent à devenir propriétaires d’une petite ferme, "La Landelle". C’est donc là, à Placé, qu’il fréquenta l’école primaire. »
À propos de cette ferme, Michel signale :
« C’est en 1921 et 1922 que moururent, à leur petite ferme de La Landelle, mes grands-parents paternels. Ma mère aurait pu acheter la ferme. Nous avons regretté qu’elle ne l’ait pas fait.
[En note : ] C’est en souvenir de cette petite ferme qu’à l’initiative de ma fille Françoise, le nom de "La Landelle" a été donné à la maison de Soustons. Mon frère a fait de même pour sa maison de Bormes-les-Mimosas. »
Maison natale de Michel Lamy dessinée par son fils.
L’enfance
Puis Michel revient sur l’enfance de son père :
« Le curé aurait bien voulu l’envoyer au séminaire mais l’instituteur l’emporta (ce fut assez facile car le "père Lami" était violemment anticlérical) et l’enfant fut envoyé à l’école primaire Supérieure d’Ernée où il prépara son entrée à l’École Normale de Laval. »
L’anecdote est brève, mais significative. D’abord, que le fils unique de Louis ne reprenne pas l’exploitation familiale dérogeait aux usages du milieu paysan. Peut-être même – qui sait ? – cela nuirait-il à la conservation du patrimoine de l’ensemble de la famille. À l’école, l’enfant avait donc dû faire montre, après ses sœurs, de dispositions intellectuelles peu communes pour que l’on envisageât favorablement que fût fait cet accroc à la tradition. Les considérations des parents, malheureusement, ne nous ont pas été transmises. Ensuite, on voit qu’en Mayenne, autour de 1900, le curé et l’instituteur laïc cherchent à attirer à eux les jeunes talents – voire à se les arracher – dans leurs camps respectifs. Le "père Lami" avait beau être « violemment anticlérical », le curé manifestait ainsi qu’il avait son mot à dire sur cette jeune ouaille. Finalement, c’est l’instituteur, le "père Cornu", qui l’a emporté. Le jeune Michel devait certainement être très satisfait de pouvoir poursuivre des études après son Certificat ; mais il faut ajouter une nuance importante que nous confie son fils : « Michel Lami avait en effet souffert – comme bien d’autres à cette époque – de n’être passé que par l’École Primaire Supérieure, l’école des enfants de famille modeste, et il avait toujours exprimé le désir que ses propres enfants suivent les cours au Lycée et reçoivent une formation classique. » Message reçu : quoique privés de leur père mort à la guerre, l’aîné sera professeur et son cadet médecin.
L’École Normale, Louise et leur mariage
Le 1er octobre 1902, Michel entre donc à l’École Normale de Laval. Il avait obtenu le Brevet Élémentaire en juin et franchi l’étape du Concours. Encore fallait-il que l’"Enquête" le concernant fût satisfaisante. Conservée, elle mérite d’être en partie citée, autant pour certaines questions que pour les réponses rédigées par l’inspecteur primaire E. Vignes :
Conduite : Absolument irréprochable.
Caractère et dispositions : Excellent caractère, heureuses dispositions.
Intelligence : Seulement ordinaire mais en partie corrigée par un travail très soutenu.
Aptitude à l’enseignement : Manifeste le vif désir de devenir instituteur.
Constitution physique : Excellente.
Situation de fortune des parents : Celle de modestes cultivateurs.
Appréciation générale sur la valeur du candidat : Elève sérieux, docile, laborieux.
Profession des parents, résidence et considération sur la réputation dont ils jouissent : Cultivateurs à Placé. Les parents me paraissent être des braves gens.
OBSERVATIONS PARTICULIÈRES
Le jeune Lami ferait, plus tard, un instituteur modeste, consciencieux, très attaché à ses fonctions.
Le candidat est actuellement titulaire d’une ½ bourse d’internat à l’École Primaire Supérieure.
À Mayenne, le 30 juin 1902
Plaque commémorative de l’école normale de Laval, promotion 1902. Morts pour la France… « LAMY Michel ».
La date est à remarquer : la loi de 1901 sur les associations (Waldeck-Rousseau) vient d’être votée, et le pouvoir envisage fermement de remplacer le régime du concordat de 1801, toujours en vigueur, par un autre. Cela aboutira à la “séparation des Églises et de l’État” en 1905. Entre ces deux dates, les débats – sur fond d’affaire Dreyfus en plus – furent particulièrement passionnés et même violents, notamment à propos l’enseignement. On ne peut pas imaginer qu’ils n’aient pas fortement concerné Michel pendant ses années d’École Normale, réputée très "laïque", voire anticléricale (à moins que la Mayenne n’ait fait exception à ce moment-là, ce que nous ne saurions dire). Pourtant, chose étrange, aucun écho ne nous en est parvenu. Même dans les lettres de Jeanne que nous avons conservées à partir de 1906, aucune ne contiendra la moindre allusion à la question.
Pour en savoir plus
Sur la loi de séparation des Églises et de l’État
En 1902, le « le petit père Combes » est porté au gouvernement par une forte poussée radicale. Il durcit la loi qui soumettait toute école dans laquelle enseignaient des congréganistes à une autorisation préalable : dès 1903, toutes les demandes d’autorisation des congrégations féminines sont rejetées, et les congrégations masculines l’année suivante. Environ 3 000 écoles se trouvent tout à coup fermées. Religieuses et religieux sont expulsés de France, manu militari s’ils offrent de la résistance (ce qui fait le bonheur des pays avoisinants et des missions, qui vont regorger tout à coup, par exemple, d’enseignantes et d’infirmières à très bas coût). Les congrégations sont purement et simplement interdites d’enseignement le 7 juillet 1904. Cela, ainsi que d’autres provocations, entraîne la rupture des liens diplomatiques entre le gouvernement français et la papauté.
Une séparation des Églises et de l’État est-elle devenue inéluctable ? Émile Combes n’y est pas favorable : le concordat permettait au gouvernement de contrôler le clergé français en nommant les évêques, pouvoir que perdrait la République en cas de séparation. Mais voici qu’un scandale éclate : c’est « l’affaire des fiches ». On découvre que le ministre de la Guerre utilisait des réseaux franc-maçons pour espionner les officiers et freiner ou empêcher l’avancement de ceux qui n’étaient pas jugés suffisamment "laïcs". Combes est forcé de démissionner. Aristide Briand et Ferdinand Buisson cherchent à calmer le jeu. Il n’y a plus à tergiverser : le régime concordataire, unilatéralement rompu, étant de fait devenu caduc, une loi de séparation doit être votée. Elle mettra fin à la notion de « culte reconnu ». Les Églises deviendront des associations de droit privé et les biens des établissements religieux reviendront à des "associations cultuelles". Jean-Baptiste Bienvenu-Martin, alors le ministre de l’Instruction Publique, des Beaux-Arts et des Cultes, promulguera la loi le 9 décembre 1905.
Pie X, comme la droite catholique, refuse catégoriquement la mise en place de ces associations cultuelles et les nouvelles spoliations qu’elle entraîne. Cela fera les beaux jours, d’abord de l’“Action libérale populaire”, puis de l’“Action française”. Les parlementaires qui ont voté la loi encourent l’excommunication. Cela n’empêche pas qu’inversement une partie du clergé français appuie la loi, tout comme, globalement, les juifs et les protestants (Ferdinand Buisson étant lui-même protestant).
Les conséquences de ces polémiques sont incalculables, déterminant encore maintenant, consciemment ou non, une large part des options politiques des citoyens. La "laïcité à la française" reste une spécificité nationale qui remonte à ces événements. Pourtant, aujourd’hui – l’histoire a ses ruses –, l’ensemble des catholiques se félicite de cette loi…
À coup sûr, un tout autre sujet – plus souriant – occupait alors l’esprit du jeune étudiant. Il était à l’École Normale de garçons. Laval possédait également une École Normale de filles. Une certaine Louise Guillé, du même âge que lui (elle est née le 17 octobre 1885 à Saint-Martin-de-Connée), s’y préparait en même temps à devenir institutrice. La demoiselle s’engageait sur la même voie que son père, Jean-Baptiste. Leurs ancêtres avaient des caractéristiques semblables, mais M. Guillé avait déjà fait une carrière d’instituteur de l’école publique : en quelque sorte, la jeune fille bénéficiait d’une étape d’avance sur Michel. En plus, la propre sœur de Louise, Jeanne, venait de prendre le relais de son père après avoir brièvement été postière à Renazé. L’institution "instituteurs" souriait donc à tout ce petit monde. Les deux jeunes gens se plurent. Encore trop jeunes pour se marier, ils attendront bien sûr la sortie de l’École (31 juillet 1905), une fois le Brevet Supérieur et le Certificat d’Aptitude Pédagogique obtenus, mais pas seulement : Michel sera appelé à faire son service militaire le 1er octobre 1905. C’est pendant cette période que l’administration académique l’a titularisé (1er janvier 1906). Libéré le 31 août 1906, l’Armée lui avait décerné le grade de sergent. Dès le lendemain, le 1er septembre, Michel est affecté à son premier poste d’instituteur : il sera titulaire adjoint à Chailland (bourgade localement importante, limitrophe de son village natal). À la rentrée suivante, ce sera à Torcé-Viviers-en-Charnie (là où sa belle-sœur Jeanne venait de quitter son poste…). C’est un bon mois avant la rentrée scolaire, le 20 août 1907, que les jeunes gens se sont mariés. Le 1er avril 1908, Michel est affecté à Montjean, où il restera en poste jusqu’à sa nomination à Saint-Mars-sur-la-Futaie le 1er octobre 1911. Il a dû grandement satisfaire ses élèves et leurs parents si l’on en juge par ces extraits de la « Notice personnelle », rédigée par son Inspecteur de l’Enseignement primaire de Mayenne en date du 23 juin 1913, et conservée :
Le fonctionnaire est-il musicien ? Peut-il diriger une fanfare ? Oui.
Valeur pédagogique : Excellent maître. Prépare et fait bien sa classe.
Caractère : Bon.
Considération dont il jouit : Très bonne.
Signature de Michel Lamy sur ce document
Dans une de ses lettres, Jeanne indique incidemment que le samedi 10 novembre 1906 elle a aidé Louise à s’« installer » à Thorigné-en-Charnie (célèbre pour les "grottes de Saulges", le village voisin). On peut donc penser que Louise, encore célibataire, y a occupé un poste, Michel étant alors à Chailland, à une douzaine de kilomètres. Michel affirme qu’après août 1907, Louise aura été nommée aux mêmes endroits que son mari.
Revenons en 1906. Soudainement, en avril, lors d’une visite à une amie de Renazé, Jeanne tombe amoureuse d’un ferblantier, Alexis Bienvenu. Coup de foudre réciproque. Ils décident de se marier très rapidement : ce sera moins de 5 mois après leur rencontre. Deuxième coup de tonnerre : Jeanne décide de quitter sa profession, alors qu’elle vient d’obtenir son CAP ! Cela n’est pas du goût de Louise – qui a son caractère… Dans un premier temps, elle boudera ce jeune homme. Mais qu’y faire ? Jeanne a aisément obtenu l’accord de ses parents, et surtout son aînée a l’âge de voler de ses propres ailes…
Les grondements de l’orage s’éloigneront vite. Non seulement le rapport entre les deux sœurs reviendra au beau fixe, mais les deux hommes vont très bien s’entendre aussi, et durablement. Ils se rendront visite, s’écriront souvent et manifesteront un grand souci mutuel pendant la guerre. Alexis tiendra à donner une sépulture plus digne à son beau-frère en mars 1919 (plus bas, nous ferons de manière détaillée le récit de cette action). Rapportons juste une anecdote qui donne le ton. En octobre 1907, alors qu’Alexis avait dû quitter sa petite entreprise de Renazé pendant 28 jours pour faire une période de réserviste au Val-de-Grâce à Paris, Jeanne restait seule à tenir le magasin (pour la première fois) tout en s’occupant de leur fille Jeanne, née un mois plus tôt seulement (le 29 septembre). Louise et Michel, mariés depuis deux mois, bénéficiant sans doute de quelques jours de congés pour la Toussaint, sont venus prêter main forte à la jeune mère. Dans une lettre du 31 octobre adressée à Alexis, Jeanne plaisante aimablement sur l’incompétence de Michel en matière de quincaillerie : « Quand nous avons marqué les canules à double usage, Michel a demandé si c’étaient des porte-cigarettes ! alors tu peux juger si nous avons ri. » Après que Jeanne ait ajouté que « le "petit miton" [sa fille] est très sage, mais ne parle pas assez », Louise signe : « Votre petite sœur bien gentille » (souligné trois fois)…
Michel Lami poursuit ainsi son récit :
« En 1907 [le 20 août à Évron], donc, se mariaient Michel Lami et Louise Guillé et ils étaient nommés tous les deux instituteurs à Montjean, petite commune située encore en Mayenne mais tout près du département de l’Ille et Vilaine, c’est-à-dire de l’ancienne province de Bretagne. Cette région avait vu, sous l’ancien régime, la lutte entre les faux saulniers (contrebandiers du sel) et les gabelous (douaniers chargés de faire appliquer l’impôt sur le sel : la gabelle). Jean Cottereau, mieux connu sous le nom de Jean Chouan (chouan = chouette) était de Montjean.
Louise et Michel Lamy, instituteurs
En 1911, mes parents quittèrent Montjean et furent nommés à Saint-Mars-sur-la-Futaie, tout à fait au Nord-Ouest du département, près de la Bretagne encore, mais aussi de la Normandie. [ndlr : Saint-Mars est près de Pontmain, à 35 km au nord-ouest de Placé. Fougères, au sud-ouest, est à une vingtaine de kilomètres. Il convient de prononcer le “s” de "Mars".] En 1912, naissait mon frère Georges, en 1913, ma sœur Renée. En 1914, mon père était mobilisé en qualité de sergent. Ma mère restait seule avec ses trois très jeunes enfants et c’est alors que ma grand’mère Guillé venait la rejoindre. »
À propos de sa grand-mère Louise, veuve depuis 1910, Michel ajoute :
« Ma grand-mère maternelle, Louise Guillé, resta près de nous jusqu’en 1928. Elle fut d’un grand secours pour ma mère, sa fille, qui avait été très affectée par la mort de son mari. »
Saint-Mars-sur-la-Futaie et l’école "Michel Lamy"
Le village de Saint-Mars-sur-la-Futaie conserve des souvenirs de Michel Lamy : dès la sortie de la guerre, la commune a voulu donner à son école le nom de l’instituteur du village mort pour la France en héros. Un siècle plus tard, l’école porte toujours son nom. Mme Guillemette Geslin, qui s’efforce de conserver la mémoire locale, nous a très aimablement donné communication de plusieurs des documents dont nous faisons usage sur cette page. Les photos qu’on peut voir ci-dessous ont été prises par sa fille Églantine.
Au-dessus de la porte d’entrée de l’école, une petite plaque peu visible avait été apposée. L’association des parents d’élèves les P’tits futaie ayant souhaité que le lieu soit mieux signalé, la municipalité a récemment fait accrocher les lettres "Ecole" de façon bien visible et remplacer l’ancienne plaque "Michel Lamy" par celle-ci.
La plaque "Michel Lamy" au-dessus de la porte
L’église, la mairie et le monument aux morts de Saint-Mars-sur-la-Futaie.
Les noms portés sur le côté du monument ci-contre.
Louise, veuve
Désormais veuve de guerre, et très soucieuse d’assurer à ses enfants la possibilité de faire leurs études au lycée, Louise a postulé pour enseigner à Laval. Mais, écrit Michel, « ce n’est qu’à la fin de 1920, c’est-à-dire deux ans plus tard, que Madame Lami obtint partiellement satisfaction en étant nommée à Bierné, tout à fait dans le sud de la Mayenne cette fois, à une quinzaine de kilomètres de Château-Gontier, berceau de sa famille maternelle, mais éloignée encore du chef-lieu de près de 40 km. »
Malgré cette déception, comme le précise Michel, par la suite, sa mère ne quittera jamais Bierné. Ses fils iront tout de même au lycée à Laval, Renée s’y mariera, y élèvera ses enfants et y travaillera, et Louise y exercera activement l’art d’être grand-mère. Elle y achètera une petite maison en bordure du village.
C’est là que ma génération l’a connue. Pour ma part, j’en garde de plaisants souvenirs d’enfance, comme celui de la mare du jardin, verte parce que couverte de lentilles d’eau, d’où je m’amusais, gamin, à faire sauter les grenouilles !
Toujours dans son mémorandum, Michel ajoute :
« Dieu merci, madame Louise Lami-Guillé, à l’heure où j’écris (début 1979), est toujours parmi nous. Elle aura bientôt 94 ans. Elle a pris sa retraite d’institutrice pendant la guerre de 1939-1945 et n’a jamais quitté Bierné. Depuis plusieurs années, elle n’habite plus la petite maison qu’elle avait achetée et vit chez sa fille Renée qui dispose de beaucoup plus de confort et qui lui ménage une vieillesse la plus heureuse possible. Elle aime toujours voyager et son grand regret, actuellement, est de n’avoir pu venir chez moi à Soustons, depuis quelques années. »
Louise vivra encore quatre années après ce témoignage. Alors que son mari et sa sœur ne vécurent que 33 ans chacun, Louise connut une belle longévité : elle était presque centenaire lorsqu’elle quitta la vie le 3 décembre 1982 à Château-Gontier.
Portraits photographiques
Il ne nous reste que 4 photos (ou plutôt 3+1) certaines de Michel Lamy, au moins pour le moment (sait-on jamais…) Espérons qu’il en dort dans des tiroirs ou des greniers et qu’elles réapparaîtront ! Les courriers nous apprennent pourtant que bien d’autres ont été prises, reproduites à plusieurs exemplaires et envoyées aux proches. À vrai dire, quelques-unes viennent de nous parvenir ; mais elles sont de très petite taille et de qualité assez mauvaise : nous travaillerons pour en obtenir une version présentable, sans garantir le succès de notre tentative. La première qu’on peut voir ci-dessous est reprise de la photo de groupe de son mariage. La deuxième, prise dans un studio de photographe, peut être datée de l’été 1913 (la petite Renée a vu le jour à la Saint-Jean, donc…). Une troisième, très belle photo de 1917, où l’on voit Michel avec la casquette du 330e et des médailles, a été quelque peu retouchée en 1925, malheureusement. Elle est visible sur cette page, un peu plus bas.
Quant à la quatrième, elle est récupérée d’un article de presse jauni ; elle est de fort mauvaise qualité. Mais ce serait la toute dernière… Nous expliquerons pourquoi nous proposons de la dater d’avril-mai 1917. Nous la montrerons donc plus bas, lorsqu’il s’agira de la mort de Michel.
Michel Lamy et Louise Guillé à leur mariage (1907)
Michel Lamy (vu l’âge des enfants : 1913). Agrandissement de la photo ci-contre.
Leurs trois enfants
Louise et Michel purent avoir trois enfants avant la Grande Guerre.
Août 1914 : la guerre est déclarée. Mobilisation générale, dans un désordre extrême. À l’époque, c’était le début des vacances scolaires d’été. L’instituteur Michel Lamy, dans un premier temps, a dû partir précipitamment pour Mayenne, où il est chargé d’être instructeur des jeunes recrues qui arrivent peu à peu. Mais il n’y a pas d’armes, ni d’uniformes, ni de locaux… Rien. Il faut tout organiser sans moyens, y compris l’intendance et l’administration. Les communes doivent acheminer les chevaux et les voitures réquisitionnées, mais comment ? où ? Les trains sont bondés et fonctionnent très mal. Le courrier également. D’ailleurs, il faut remplir formulaire sur formulaire de demande d’autorisation pour tout, notamment pour circuler, inutilement puisque les réponses n’arrivent pas.
Michel n’a pas à se plaindre pour le moment : il a trouvé à se loger chez les sœurs de La Providence, qui sont aux petits soins pour lui. Il s’émerveille qu’elles lui fassent son lit !
De son côté, Louise Guillé s’inquiète pour ses filles et ses petits-enfants. Le mari de Jeanne, Alexis Bienvenu, est mobilisé au Mans. La jeune mère se retrouve donc seule avec ses trois petits (la dernière a un an) en Normandie, et doit aussi s’occuper seule de la quincaillerie. Jeanne est bien trop loin pour que sa mère puisse venir l’aider. Mais son autre fille, Louise Lamy ? Elle est seule aussi, également avec ses trois enfants encore plus petits, mais plus près : Saint-Mars-sur-la-Futaie n’est qu’à 70 km d’Évron. Seulement, il n’y a plus de moyens de transport et à 66 ans la grand-mère n’envisage pas – ou pas encore – de faire le trajet à pieds ou à bicyclette (d’ailleurs, il est douteux qu’elle sache grimper sur un vélo). Le 7 août, dans une lettre qu’elle écrit d’Évron à Jeanne, Louise Guillé se plaint de ne pas pouvoir secourir son autre fille non plus. Elle dit qu’elle ne sait pas si son gendre Michel est encore à Mayenne ou s’il est déjà parti au front. Puis elle donne une description intéressante de ce qu’elle constate autour d’elle :
« Tous les jours et la nuit il passe des trains militaires et des camions. Cela nous fait mal. Je ne vais pas à la gare ; je songe déjà assez. Et pour tout il faut voir comme les trains sont bariolés et décorés. Ce n’est que guirlandes et tout part avec enthousiasme. Ils chantaient, jusqu’aux femmes qui sont seules [et qui] s’engagent dans la Croix Rouge. Mais tout cela fait mal et surtout si cela dure longtemps. Les boutiques ont été envahies. Il y a ceux qui ont fait leurs provisions pour un an. M. Basseau notaire en est. Aussi tout est très cher et les boulangers ne veulent plus donner à crédit. Je me demande ce que cela va devenir. […] On entend toujours dire que la France ne tombera pas, qu’elle est bien secourue mais pendant ce temps-là, quelle misère ! »
Et finalement, que sait-on de la situation générale ? « Pas de journaux ou 2 ou 3, mais qui ont défense de trop en dire. Il y a des affiches ministérielles, mais qui n’en disent pas long. »
Elle ajoute que les anciens disent : "c’est comme en 70". Alors, pour que les "Prussiens" n’arrivent pas jusqu’en Mayenne, on fait brûler beaucoup de cierges dans les églises…
Que rapporte Michel Lami dans son mémorandum sur ce début de guerre ?
« Michel Lami, mon père, partit, désespéré, en campagne avec le 330e R.I. [Régiment d’Infanterie]. Le 12 septembre 1914, il écrit, de Mayenne où il avait été mobilisé, à sa femme et à ses enfants tout petits une lettre poignante : "Il faut partir (au front) ; les larmes remplissent mes yeux à la pensée qu’il faut tout abandonner surtout ma belle et si douce petite famille ...... Ah, quelle horrible chose que la guerre". Il ajoute cependant : "si je ne revenais pas, ayez la consolation de vous dire que l’être le plus cher que vous aviez au monde a donné sa vie pour que, plus tard, vous jouissiez d’une paix durable et éternelle".
Soldats au cours d’une attaque à Verdun (provenance inconnue)
Et pourtant, il fit, par patriotisme et par fierté, magnifiquement son devoir. Il se distingua particulièrement à Verman-Dovillers en 1916, à Rouvroy-en-Sancerre et à la Côte 304, à Verdun, en 1917 où avec une nouvelle et très belle citation il reçoit la Croix de la Légion d’Honneur. Devenu officier, il est capitaine au milieu de 1917 et se distingue encore au Mont Haut, puis en 1918 à Auberive. En juillet, sa compagnie est de celles (avec l’armée Mangin) auxquelles revient l’honneur de recevoir et de briser le premier choc des armées ennemies. Le 20 août, dans l’Oise, près de Noyon, il participe à la contre offensive alliée.
À l’attaque de Creutes, au Mont de Choisy, il tombe à bout portant par une mitrailleuse protégeant une batterie de 77 qu’il venait d’enlever. "C’est en venant, par lui-même, vérifier la position de la pièce ... ... que Lami a trouvé une mort à laquelle son rôle de chef de compagnie ne l’exposait pas. Il était à ce moment titulaire de cinq citations."
Quel fut, écrit le secrétaire général de l’Association du 330e R.I. après l’historiographe du régiment, le secret de l’ascendant du modeste instituteur devenu chef de guerre ? "Homme de devoir, il était toujours le premier au péril, donnant l’exemple et payant de sa personne ... ... il compléta par l’autorité de son exemple la valeur de ses leçons".
Il est possible qu’au printemps de 1918, Michel Lami aurait pu, au moment de l’engagement massif des troupes américaines, être affecté à un Centre d’Instruction, à l’arrière. Il ne saisit pas cette possibilité. Sans doute croyait-il en son étoile. Voulait-il participer directement à la victoire et obtenir rapidement le grade de commandant qui lui aurait permis, après la guerre, de quitter l’enseignement et de faire, dans l’armée, une carrière enviable ?
Son inspecteur d’Académie n’y songeait pas, lorsque, dès le 6 septembre, il écrivait à Madame Lami, à Saint-Mars : "L’Inspecteur d’Académie perd en votre mari un des collaborateurs, les meilleurs, les plus intelligents, les plus consciencieux, un de ceux qui étaient destinés, après la guerre, à diriger l’une de nos importantes écoles. Sa mort ... ... est une grande perte pour le département qui aura tant besoin, pour élever la jeunesse d’après-guerre, de maîtres pondérés, disciplinés, profondément attachés à leurs devoirs professionnels comme l’était votre mari".
Il ne pouvait cependant à cette date donner satisfaction à Madame Lami qui demandait à quitter Saint-Mars et à se rapprocher de Laval où elle aurait pu inscrire ses enfants – ses fils surtout – au Lycée. Michel Lami avait en effet souffert – comme bien d’autres à cette époque – de n’être passé que par l’École Primaire Supérieure, l’école des enfants de famille modeste, et il avait toujours exprimé le désir que ses propres enfants suivent les cours au Lycée et reçoivent une formation classique. Ce n’est qu’à la fin de 1920, c’est-à-dire deux ans plus tard, que Madame Lami obtint partiellement satisfaction en étant nommée à Bierné, tout à fait dans le sud de la Mayenne cette fois, à une quinzaine de kms de Château-Gontier, berceau de sa famille maternelle, mais éloignée encore du chef-lieu de près de 40 kms.
Auparavant, des cérémonies importantes avaient été organisées à Saint-Mars, à la mémoire de son mari. L’école de garçons où il enseignait reçut son nom et j’espère que la plaque commémorative, placée au-dessus de l’entrée principale, existe toujours. Le 20 août 1918, il n’avait, dans le feu de l’action, reçu qu’une sépulture provisoire. Quelques mois après, peu avant l’armistice (11 novembre), l’oncle [Alexis] Bienvenu et un menuisier, dont le frère était mort dans le même engagement, se rendirent au Mont de Choisy pour placer les corps dans des cercueils. En 1920, eut lieu l’exhumation et mon père repose maintenant près de celui de ses parents, dans le petit cimetière de Placé. »
N.B. Nous recopions ce qui s’y trouve indiqué, mais qui n’est pas exempt de quelques manques ou erreurs.
Grades et blessures :
– Sous-Lieutenant au 330e R.I. le 09/04/1915,
blessé le 20/06/1916 à Lacroix-sur-Meuse (55),
blessé le 14/09/1916 à Vermandovillers (80).
– Lieutenant le 20/02/1917,
blessé le 30/03/1917 à cote 304.
– Capitaine le 17/07/1917.
Citations (liste incomplète) :
cité à l’ordre du jour
du régiment le 13/09/1917,
de la division le 17/03/1916 et le 20/07/1918,
de l’Armée le 02/10/1916.
Les textes des citations recopiés ci-dessous ont été retrouvés dans la "Demande d’attribution du nom de Michel Lamy à l’école de Saint-Mars-sur-la-Futaie".
– Citation à l’ordre de l’Armée :
« A maintenu, le 4 septembre 1916, sa compagnie à proximité de l’ennemi sous un feu violent de mitrailleuses pendant 4 heures. Blessé d’un éclat d’obus, a conservé le commandement de sa compagnie pendant 6 jours de combat, donnant ainsi un exemple remarquable d’énergie et de sentiment du devoir. »
– Citation à l’ordre de la Division :
« M. Lamy, capitaine à la 17e Compagnie du 330e R.I. A, les 15 et 26 juillet 1917, malgré de violentes attaques de l’Infanterie allemande, conservé intégralement le terrain qui lui avait été confié. A repoussé à la grenade les assauts de l’Infanterie ennemie et a donné à ses officiers et à ses hommes le plus bel exemple de sang-froid et d’énergie. »
Conclusion de la "Demande d’attribution…" :
Le capitaine Lamy avait mérité, pendant les 4 années de guerre au cours de laquelle il avait conquis tous ses grades sur le champ de bataille, l’estime de ses chefs et l’affection de ses camarades et de ses soldats.
Fait à Laval le 22 mars 1919.
de la citation à l’ordre de l’Armée du 12 octobre 1918. Il est établi sous l’ordre du Général Mangin et "délivré par le Maréchal Commandant en chef des Armées de l’Est, Pétain".
Manuscrit de la citation à l’ordre de l’Armée du 12 octobre 1918
Alors que la guerre ne cessera qu’un mois plus tard, ce document est établi sous l’ordre du Général Mangin le 12 octobre 1918.
Il est délivré "par le Maréchal Commandant en chef des armées de l’est, Pétain". Il l’aura signé après le 22 novembre au moins puisque c’est ce jour-là qu’il fut nommé Maréchal de France. Comme il recevra son bâton de maréchal le 8 décembre à Metz, cette signature a probablement été apposée après cette date.
Transcription :
Citation à l’ordre de l’Armée
La 15e compagnie du 330e Régiment d’Infanterie :
Compagnie d’élite conduite par le capitaine Lami, a attaqué le 20 août 1918 avec un brio irrésistible, dépassant plusieurs fois au cours de sa progression, dans un élan magnifique, le barrage roulant, a enlevé de haute lutte tous ses objectifs, capturant des mitrailleuses, 7 canons, 9 officiers, une centaine de prisonniers. Le capitaine Lami a trouvé une mort glorieuse à la tête de sa compagnie.
(Ordre n° 344 — 12 octobre 1918 — 10e Armée)
Le Général commandant la 10e Armée,
Mangin
Délivré par le Maréchal Commandant en chef des Armées de l’Est,
Pétain
Vue d’ensemble du document
Décorations :
Légion d’Honneur
• Légion d’Honneur (Chevalier, le 20 avril 1917)
• Croix de guerre avec 3 étoiles d’argent et 2 palmes
Michel Lamy était loin d’être rétif aux titres et décorations, ce qui se comprenait fort bien dans son cas.
Croix de guerre et médaille russe de l’Ordre de Sainte-Anne
Cf. Une lettre de Michel Lamy à sa femme Louise :
« Je suis proposé pour une citation… J’aurai le bonheur de te rapporter la croix de guerre comme insigne de ma bravoure et de mon courage. Je serais fier de l’avoir pour toi et pour nos petits mignons. »
Texte de l’attribution de la Légion d’Honneur et de la Croix de guerre avec palmes (20 avril 1917) au lieutenant Lamy :
« Officier d’une haute valeur morale et d’une bravoure exemplaire. Déjà blessé et cité à l’ordre de la Compagnie, s’est distingué à nouveau le 29 mars 1917, enlevant avec sa section une tranchée ennemie, l’organisant sous un bombardement des plus violents et quoique blessé, dirigeant la résistance à une contre-attaque allemande. A ainsi une fois de plus donné à tous le plus bel exemple d’entrain et de ténacité. La nomination ci-dessus comporte l’attribution de la Croix de guerre avec palmes. »
Sur les blessures
1 re blessure
D’après le site du 330e R.I., Michel Lamy aurait été blessé une première fois le 20 juin 1916 à Lacroix-sur-Meuse (à 25 km au sud de Verdun). Cette date ne peut pas être la bonne puisque les correspondances que nous avons conservées (dont une du 22 juin, adressée par Michel à Jeanne pour la Saint-Jean) ne font pas état d’un tel épisode, bien au contraire : « Je viens de passer 10 jours de soi-disant repos [là] où les obus tombent en ce moment ». Michel ajoute : « Je ne crains pas grand’chose car ma cagna a 3 ou 4 mètres de pierres sur le toit et 2 ou 3 rangs de gros arbres. Malheureusement, on ne se trouve pas toujours aussi bien abrité et presque toujours pas du tout. »
En fait, c’est l’Inspecteur d’Académie de la Mayenne qui nous sort de l’embarras puisqu’il écrit à Michel le 13 juillet 1916 : « […] Je ne veux pas tarder d’un jour à vous adresser toutes mes félicitations pour vos promotions rapides et brillantes, pour la belle citation surtout qui fait autant d’honneur à votre intelligence qu’à votre intrépidité, pour le bonheur surtout que vous avez eu d’échapper au danger que vous a fait courir votre blessure du 27 juin dernier. » Malheureusement, cette lettre ne nous apprend rien de plus, mis à part le fait que Michel dut revenir chez lui pour se soigner : « J’espère que cette lettre vous trouvera encore à St-Mars-sur-la-Futaie », ajoutait l’Inspecteur.
C’est par un autre document académique que nous apprenons que cette blessure était « au pied droit ». Il précise que Michel a « rejoint son corps le 16 juillet 1916 ».
2 e blessure
Troupes britanniques marchant vers Arras en 1917
À peine trois mois plus tard, Michel recevait deux éclats d’obus dans un bras. C’était, cette fois-là, à Vermandovillers, dans la Somme, non loin de Péronne, entre Amiens et Saint-Quentin. Notons que cette localité se trouve à 50 km au nord de Caisnes, où il sera tué 17 mois plus tard. Cette fois-là encore, on rencontre un problème de date. Le site du 330e R.I. signale cette blessure comme s’étant produite le 14 septembre, ce qui, d’après une lettre de Jeanne datée du mardi 12 septembre, est impossible. Elle indique que « Louise enfin a des nouvelles de Michel. Elle n’en avait point depuis le 5 », alors qu’il envoyait quotidiennement une missive à sa femme. Elle ajoute que son mari venait de l’informer « qu’il est blessé très légèrement d’un éclat d’obus et qu’il ne va pas être évacué ».
Grâce à la Citation à l’ordre de l’Armée que nous avons lue plus haut, nous savons que cette "très légère" blessure ne date pas du 14 septembre, mais du 4. Rappelons-la : Michel « a maintenu, le 4 septembre 1916, sa compagnie à proximité de l’ennemi sous un feu violent de mitrailleuses pendant 4 heures. Blessé d’un éclat d’obus, [il] a conservé le commandement de sa compagnie pendant 6 jours de combat. »
1916. Irène Curie sur le marche-pied d’une voiture de son “service radiologique”.
Évidemment, la famille ne savait rien de ce qui se déroulait chacun de ces jours-là au front. Mais elle a été assez vite informée que quelque chose de grave s’était produit. C’est par une lettre de Jeanne à Alexis, datée du jeudi 28 septembre, que nous apprenons que « sa blessure était plus grave qu’il ne pensait ; on a découvert à la radiographie deux éclats d’obus, l’un gros comme un gros haricot, l’autre plus petit ; on l’a endormi à l’hôpital à Montdidier, on lui a fait l’opération et il est resté quelques jours ainsi. Mercredi matin, Louise reçoit une dépêche venant de Beauvais, lui disant de faire l’impossible pour aller le trouver… […] Michel ne se trouvant pas bien à Montdidier, [il] s’est fait évacuer à Beauvais. La blessure n’est pas trop grave, assez cependant, mais il ne peut se servir de son bras. Le Major lui en donne encore bien pour une quinzaine, mais il préfère retourner au front. »
À ce moment-là, en rédigeant cette lettre, Jeanne était très bien informée puisqu’elle revenait à l’instant même de Paris et de Beauvais où, bien que déjà malade, elle avait accompagné Louise (qui lui avait écrit de façon insistante et répétée qu’elle "n’était pas assez hardie" pour faire le voyage sans sa sœur) et qu’elle avait rencontré Michel quelques heures. Le blessé avait déjà retrouvé des forces ; il a même pu visiter rapidement, dans Beauvais, avec sa femme et sa belle-sœur, « deux vieilles églises [qui] rappellent en moins beau, m’a dit Michel, la cathédrale d’Amiens ». Puis, ajoute Jeanne, « j’ai laissé les amoureux à leur bonheur d’être réunis ». C’est qu’elle ne pensait qu’à son Alexis, à qui la promesse avait été faite qu’il pourrait bénéficier dans ces jours-là d’une brève permission.
Ayant donc « laissé les amoureux à leur bonheur », elle s’est précipitée à Paris (« Le métro ne me fait plus peur du tout », avoue-t-elle fièrement et avec humour) pour revenir au plus vite à Gacé, de nuit, sans doute seule femme dans tout un train de permissionnaires. Rencontrerait-elle son mari en cours de route, dans ce train peut-être ? Serait-il déjà arrivé, avant elle ? Non, personne. Pas même une lettre : il faudra, dans la fébrilité, qu’elle attendre encore quelques tristes jours pour qu’elle apprenne qu’au moment de partir, l’infirmier Alexis avait été retenu par ses chefs. Trop de blessés, sans doute. À l’inverse de Louise et Michel, ces amoureux-là ont donc été laissés à leur malheur de rester séparés. La maladie de Jeanne va s’aggraver brusquement dans les semaines suivantes. Cette escapade mouvementée aura été son dernier voyage.
Cette lettre du 28 septembre, inhabituellement fautive du fait de la déception et de l’état d’épuisement de Jeanne, contient ce pronostic fort lucide : « Il paraît que la guerre doit durer encore 2 ans : 18 mois de combats et 6 mois de pourparlers. On [n’]y est pas. » Ce sera bien 2 ans, en effet. Mais la malheureuse "n’y sera pas" puisque la maladie et la souffrance lui feront rendre son dernier soupir six mois plus tard.
L’église de Caisnes
Paradoxalement, les éclats d’obus ont peut-être temporairement sauvé la vie de Michel : la bataille a commencé le 4 septembre (date de sa blessure), mais la grande attaque aura lieu le 17. De ce fait, étant soigné à ce moment-là dans les hôpitaux, le capitaine a échappé bien malgré lui aux effroyables combats à la tête desquels il eût dû mener ses troupes. Il apprendra à son retour que non seulement le village fut totalement rasé, mais qu’on n’arrivait même pas à compter le nombre de français et d’anglais restés sur le champ de bataille. Les corps, trop nombreux, ont été dispersés dans des cimetières parfois fort éloignés. 22 665 soldats allemands reposent dans ceux qui entourent Vermandovillers.
Pour mémoire, au cours de l’ensemble de la bataille de la Somme, on compte plus d’un million de pertes humaines (blessés, morts ou disparus) : 420 000 britanniques, 203 000 français, 437 000 allemands. Les combats ne se sont arrêtés que faute de combattants, sans victoire ni défaite. Mais ils n’ont pas été sans effets : entre autres, ils ont fortement contribué à décider les Américains d’intervenir, aidant ainsi nos troupes à arracher la victoire… même si ce ne fut que deux ans plus tard, comme l’avait pressenti Jeanne.
3 e blessure
Une troisième fois, Michel a été blessé – plus légèrement – près de l’œil gauche par les projections d’un obus. Il combattait alors à la tristement fameuse Cote 304, dans le secteur de Verdun-Douaumont.
Ambulance de l’American Field Service, Voiture Ford T, 1917 Musée franco-américain du Château de Blérancourt
Il est indiqué sur le site de son régiment que c’était le 30 mars 1917. Cette fois-ci, la date est probablement exacte. Nous connaissons les détails par une lettre que Michel a écrite à Jeanne le 3 avril 1917. Il s’avoue « encore énervé » en la rédigeant et prie sa correspondante de bien vouloir l’excuser au cas où elle ne parviendrait pas à en déchiffrer l’écriture. Il ne se doutait pas qu’à ce moment-là sa belle-sœur avait déjà écrit sa toute dernière lettre et qu’elle allait s’éteindre dans les dix jours. Aura-t-elle seulement pu la lire ?
Le capitaine décrit d’abord son retour de permission le 28 mars. Les transports, à l’aller comme au retour, lui avaient causé bien des soucis, ainsi qu’à Louise, et fait perdre beaucoup de précieux jours. Mais le voici arrivé : « Avant de rentrer au camp où se trouvait ma compagnie, je rencontre un sous-officier du 330e qui me dit : “Vous tombez juste à point : votre bataillon attaque demain matin à 5 heures”. Il était à ce moment 6 heures du soir. Exactement comme j’arrivais au camp, la Cie partait. Je n’ai eu que le temps de me changer, de prendre mes vêtements de tranchées. À minuit, je rejoignais mes hommes et à 4 h 40 je partais à l’attaque. Je m’en suis encore honorablement et heureusement tiré pour cette fois. Seul un obus éclatant trop près m’a projeté à la figure des éclats de pierre. Un petit caillou s’est logé près de l’œil gauche, mais ce n’est pas grave et suis en bonne voie de guérison. J’ai été le seul officier qui ait pu arriver au point à atteindre. Nous avons pris 400 m de tranchées boches. »
C’est une merveille que Michel n’ait pas été plus gravement blessé dans les nombreux autres combats qu’il a menés, à cheval ou à pied, à la grenade, au fusil ou de toute autre façon, courant sous la mitraille entre les obus. Mais arriva le jour fatidique du 20 août 1918…
(Cliquez et visionnez ci-dessous)
Citation à l’Ordre de la Division, le 17 mars 1916, par le Général commandant la 132e Division d’Infanterie :
« Le sous-lieutenant Lami, pendant l’attaque du 28 février [1916] a, par la bonne conduite et l’intensité du feu de son groupe ainsi que par le mouvement d’une de ses fractions, arrêté une offensive débordante de l’ennemi et l’a obligé à se replier ; et par son activité, son attitude offensive, [il a] intimidé l’adversaire qui n’a pas osé renouveler sa tentative. »
Lettre de l’Inspecteur d’Académie de la Mayenne, 13 juillet 1916 :
« […] Je ne veux pas tarder d’un jour à vous adresser toutes mes félicitations pour vos promotions rapides et brillantes, pour la belle citation surtout qui fait autant d’honneur à votre intelligence qu’à votre intrépidité, pour le bonheur surtout que vous avez eu d’échapper au danger que vous a fait courir votre blessure du 27 juin dernier. J’espère que cette lettre vous trouvera encore à St-Mars-sur-la-Futaie et que vous pourrez partager avec votre chère femme les félicitations les plus cordiales de votre inspecteur d’Académie. »
Xxx
Michel Lamy — Sa mort
Après avoir combattu à Verdun et pendant qu’il menait la campagne de la Somme, les deux plus terribles champs de bataille de cette guerre,
alors que les hostilités allaient cesser dans moins de trois mois,
en ce matin du 20 août 1918 à Caisnes (Oise, à 25 km au nord-est de Compiègne et à 35 km au nord-ouest de Soissons),
le capitaine au 330e régiment d’Infanterie Michel Lamy, à la tête de sa troupe, attaquait le Mont-de-Choisy, qui sera repris par les français dans les heures suivantes.
Soudain, Michel Lamy tombe, "frappé à bout portant par une [rafale de] mitraillette" (cf. ci-dessous).
Ce jour-là très précisément, c’était le 11e anniversaire de son mariage.
Le brassard
Il semble bien que Michel porte un brassard de deuil – de très grande taille – sur son bras gauche. Si ce détail insolite est exact, il permet de dater la photo.
Le 13 avril 1917, sa belle-sœur Jeanne rendait son dernier soupir. Quelques jours auparavant, Michel lui avait envoyé une très gentille lettre. Il formulait ses meilleurs vœux pour les 33 ans de Jeanne, et lui souhaitait un prompt rétablissement. À ce moment-là, il ne semblait pas s’attendre à ce décès et encore moins à sa promptitude. Il en fut très affecté. La graphie de la lettre qu’il adressa précipitamment à Alexis dès qu’il apprit cette disparition manifeste un trouble unique dans tout son courrier.
On ne peut s’empêcher de penser que cette photo a dû être prise dans les 40 jours de deuil, coutume que l’on respectait rigoureusement alors. Pour une telle photo, solennelle avec ses médailles et sa casquette d’officier dans la main droite, il était quelque peu insolite que Michel soulignât sa peine en arborant un tel brassard de deuil. Il a pourtant tenu à l’afficher très ostensiblement.
[Transcription du texte ci-dessus : ]
« Le capitaine Michel Lamy
Michel Lamy, instituteur à Saint-Mars-sur-la-Futaie, âme délicate et sensible, bon fils, bon père, bon époux, poussant le souci de ses responsabilités jusqu’au scrupule et le dévouement jusqu’à l’héroïsme, a su, dans les conditions les plus pénibles, dominer ses réflexes et ses préoccupations familiales, pour être toujours un bon soldat. À mesure que s’étendait son autorité, sa conscience lui montrait, avec des responsabilités plus étendues, la nécessité de s’élever à une conception plus haute et à une pratique plus généreuse du devoir. Son caractère affectueux et sympathique l’avait fait aimer. Sa grande bravoure l’avait fait admirer et estimer de ses chefs et de ses soldats. Pour se réaliser tout à fait, il lui fallut être chef. Vermandovillers (1916) consacra son courage. De cette date-là, il se plaça au premier rang des héros du 330e R.I. Le 7 septembre… »
Extrait (descendre à : "II- L’offensive alliée. 1- La bataille de l’Ailette (20-22 août 1918)") :
« Le 20 août, par un temps couvert, à 7 heure 10, l’infanterie bondit. Avant 9 heures, les premiers résultats sont excellents. Le terrain est constitué de nombreuses creutes et nids de mitrailleuses. Nampcel, Carlepont, Caisnes sont repris. Le soir, près de Cuts, le Mont de Choisy qui domine la route de Noyon est enlevé (330e RI de la 132e DI qui avance entre la 15e DI à gauche et la 2e DM à droite). »
La mort du capitaine Michel Lamy
Extrait de « Historique du 330e RI. Guerre de 1914-1918 » (sans nom d’auteur) :
« Les positions de départ sont prises, sous un tir violent d’obus toxiques. À 7 h. 10, heure fixée pour l’attaque, les deux bataillons s’élancent, entraînés par leurs chefs et les premières lignes sont enlevées d’un bond. Le terrain est difficile, creusé de ravins successifs et profonds, encombré d’abatis, semé d’embûches et découvert, à gauche, par une clairière propice aux tirs d’enfilade, il présente à chaque pas d’anciennes carrières : les creutes camouflées par l’ennemi, merveilleux abris naturels où il a massé ses réserves. L’élan de tous est tel que le lieutenant-colonel, entouré de son état-major, se trouve soudain devant un groupe important d’ennemis débouchés d’une creute ; le commandant Noizet, adjoint au chef de corps, tue de sa main l’un des ennemis, tous les autres se rendent, ils sont plus d’une centaine. Le régiment colle au barrage roulant et progresse sans arrêt.
Près de la ferme de Belle-Fontaine, tout un état-major de bataillon (du 2e Bavarois) est fait prisonnier ; le matériel capturé, trop long à dénombrer, est laissé sur place, le chef de bataillon qui s’est rendu au sous-lieutenant Goruchon lui déclare : « Les Français font une nouvelle guerre. C’est une très grande attaque, très bien montée. À 8h. 30, Belle-Fontaine, débordée à droite et menacée de front, tombe entre nos mains.
La 19e, unité d’élite, plusieurs fois citée, mène l’attaque ; son commandant et l’un des officiers de peloton tombent mortellement frappés ; le sous-lieutenant Delmeule prend le commandement et capture tous les occupants de la ferme : 40 hommes, plusieurs officiers.
Le 5e bataillon poursuit son mouvement, en liaison à droite avec le 4e, en tête duquel marche la 15e (capitaine Lamy). On opère par échelons, comme à la manœuvre. Le moulin de Belle-Fontaine, le Paradis, le Chemin creux sont successivement pris et dépassés. L’ennemi se défend jusqu’au bout ; son artillerie reste en position sur la ligne même de feu, et la 15e s’empare d’une batterie de 77, dont la 4e pièce tirait encore. Le capitaine Lamy, l’une des plus merveilleuses figures du régiment, entraîneur d’hommes admirable et cinq fois cité, tombe à ce moment, frappé à bout portant par une [rafale de] mitraillette qui protégeait la pièce.
Il est 9 h. 30 : les deux compagnies de tête ont subi des pertes sévères et vu tomber leurs chefs, mais le régiment est au pied du Mont-de-Choisy ; la forteresse va pouvoir être attaquée de front. Les 13e, 14e, 17e, 18e sont chargées de cette rude besogne. »
Pour lire ou télécharger le récit de toute l’offensive
du Mont-de-Choisy (20-21 août 1918) en fichier pdf,
Dans un village proche de la zone des combats, la dépouille de Michel a été déposée dans une fosse hâtivement creusée, sans même qu’une bière ne la protège. La famille en était évidemment mortifiée. Au début de mars 1919, Alexis Bienvenu, son beau-frère (veuf de Jeanne), toujours mobilisé alors que ses trois enfants en bas-âge avaient perdu leur mère, est allé lui offrir une sépulture plus décente et préparer un rapatriement du corps à Placé (ce qui se fera en 1920). Il a aussitôt rendu compte de son équipée dans un récit adressé aux deux Louise – mère et fille –, qui se trouvaient ensemble à ce moment à Saint-Mars-sur-la-Futaie. C’est le petit-fils de Michel (l’aîné de Michel se prénomme aussi Michel) qui conserve cette lettre du 7 mars 1919. Nous le remercions de nous l’avoir aimablement communiquée.
Six mois après sa mort,
le premier cercueil de Michel
Imagine-t-on l’après-guerre ? Les innombrables veuves, pour la plupart d’entre elles, ne sont pas en mesure de rapatrier le corps de leurs maris. Les hommes valides, trop peu nombreux, sont occupés à la reconstruction. Les zones les plus détruites, toujours en ruines, sont encore désertes. Alexis Bienvenu s’est-il spontanément proposé pour aller déterrer le corps de son beau-frère et lui offrir enfin une sépulture plus décente ? A-t-il répondu à une demande de Louise ? Peu importe. Il devait avoir hâte de le faire : il avait tellement aimé son beau-frère et tant admiré le combattant… Mais, encore mobilisé, il ne disposait pas librement de son temps : le sergent-chef infirmier devait attendre d’obtenir une permission pour "faire le travail", selon son expression. S’il avait déjà bénéficié d’une ou de deux permissions depuis le 11 novembre, il les avait consacrées au plus urgent, c’est-à-dire à ses jeunes enfants sans mère et à son commerce délaissé. Rien de plus normal.
Et il ne pouvait guère réaliser seul cette opération. Impossible d’aller sur place avec une carriole chargée de matériel, évidemment. Il faudra se débrouiller. Pour l’accompagner, il a trouvé un menuisier, un certain Le Bansais, dont nous ne savons rien à part le fait que son frère avait été tué peu de temps avant Michel dans le même secteur et que sa dépouille reposait elle aussi à même la terre dans une fosse, quelque part dans le même village ; mais il ne savait pas où précisément.
La gare d’Ourscamp aujourd’hui
Après s’être retrouvés à Paris, Gare du Nord, chargés de cordes et "de forts fils électriques", de quelques outils indispensables (pioches, pelles, marteaux…), de vivres, de couvertures et peut-être de quelques planches, les deux hommes ont pris le train à vapeur jusqu’à Ourscamp, à 10 km à l’ouest de Caisnes. Bombardée, la petite gare n’avait toujours pas été reconstruite, pas plus que le pont, alors submergé par une crue de l’Oise. Nos voyageurs ont donc dû traverser la rivière en barque, puis, le temps étant désespérément toujours à la pluie, s’engager sur des chemins boueux, lestés de leurs embarrassants fardeaux, jusqu’à Carlepont. À midi, rapide pause déjeuner « dans les ruines ». Ils repartent au plus vite, traversant « des villages démolis », sans croiser âme qui vive, jusqu’à Belle-Fontaine. Dans ce fantomatique désert, à l’aide d’indications dessinées par Louise (se serait-elle déjà rendue sur les lieux ?) et avec un peu de chance, ils trouvent assez rapidement le monticule indiquant la fosse où gisait Michel. Il n’y avait « rien de dérangé » (pas de traces de pillage), écrit Alexis, rassurant ainsi ses deux correspondantes.
La tombe provisoire de Michel
(Merci à Nicole Schecker-Lami, petite-fille cadette de Michel, d’avoir fait surgir cette photo dont nous ne soupçonnions pas même l’existence)
« Un tour dans le voisinage nous a permis de repérer une grotte assez convenable pour faire le travail. Il y avait justement des planches que nous n’avons eu qu’à démolir ». Puis ils s’empressent de partir à la recherche de la fosse du frère de Le Bansais. Après quelques errances et fines déductions, ils repèrent quelques monticules funéraires « en bas du coteau, en face du château », parmi lesquels se trouvait celui qu’ils cherchaient. « Cela nous avait valu une bonne averse », précise stoïquement Alexis.
« Nous remontons en hâte pour commencer à préparer les matériaux, et jusqu’à la nuit [nous sommes début mars] nous avons travaillé le bois ; puis nous descendons à l’étang faire provision d’eau et nous laver, et remontons pour souper. 2e bonne averse. Après manger, nous nous étendons. La journée avait déjà été pénible. »
L’étang de Bellefontaine
« Le froid nous fait lever d’assez bonne heure et, à la lueur d’un feu de planche (notre bougie était épuisée), nous déjeunons et préparons des planches pour ne pas perdre du tout du jour. À 9 heures, les bières étaient prêtes. Pendant que Le Bansais retourne à l’eau, je commence à dégarnir la tombe de Michel jusqu’à environ sa hauteur, puis nous allons en faire autant à son frère et remontons manger avant d’entreprendre le plus pénible. »
« Nous commençons par Michel. Vous me permettrez de ne pas m’étendre sur des détails trop pénibles. Nous l’avons retrouvé tout entier, enveloppé dans sa toile, [puis nous l’avons] nettoyé de la terre le plus possible, élargi la tombe pour y descendre le cercueil, y placer le pauvre Michel et refermer. Il n’est pas très profond. Le fond et le dessus sont en chêne. Nous avons de plus mis des planches en travers qui faciliteront pour le dégarnir en cas d’exhumation, puis mis de forts fils électriques autour, avec quoi on pourra tirer et remonter le cercueil. J’ai pris les mesures que je vous envoie pour faire faire une autre bière afin de pouvoir le transporter si cela se produisait. »
Les dimensions du cercueil
« Je vous demanderai de penser à Le Bansais qui, vraiment, a été dévoué pour ce travail et m’a rendu les plus grands services. »
Cimetière militaire de Cuts où sont enterrés de nombreux soldats tués le 20 août 1918
La dépouille de Michel sera rapatriée à Placé deux ans plus tard. Requiescat in pace.
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N.B. Ces photos en couleurs ont été prises par le petit-fils de Michel en 2013 et 2014 lorsqu’il s’est rendu, presque octogénaire, de sa terre lorraine à Carlepont, Cuts, Bellefontaine, etc. Il a tenu à refaire, de la gare d’Ourscamp au Mont-de-Choisy, le même chemin qu’Alexis et Le Bansais. Il s’est également rendu à Dresde, Osterode, Hoyerswerda, Colditz, où son père (Michel) avait été retenu cinq années durant comme prisonnier de guerre pendant le second conflit mondial.
« L’école communale, autrefois école publique de garçons, porte le nom de Michel Lamy, en mémoire de cet enseignant tué lors de la Première Guerre mondiale, le 20 août 1918. Une petite plaque peu visible portant son nom est apposée au-dessus de la porte. »
Un panneau « école » à l’ensemble scolaire Michel-Lamy
École Michel-Lamy à Saint-Mars-sur-la-Futaie « à l’inauguration du nouveau panneau de l’école. »
Comme la "petite plaque [était] peu visible",
« L’association de parents d’élèves, les P’tits futaie, a souhaité que le lieu soit mieux signalé. Ainsi, les cinq lettres du mot « école » ont été posées sur le bâtiment. »
Le journal a publié l’article pour l’annoncer. Bonne initiative. Mais c’est le texte qui nous l’apprend, et seulement lui : on ne trouve aucune trace de la plaque sur la photo puisque le journal a malencontreusement amputé l’image de ce qui faisait l’objet de son article. C’est véritablement ce qu’on peut appeler une… coupure de presse !
Quoi qu’il en soit,
La municipalité, sous l’impulsion du maire, M. Maurice Roulette, a bien fait remplacer et agrandir la plaque « Michel Lamy ».
Qu’elle en soit remerciée !
* Apparition mariale *
Juste à côté de Saint-Mars-sur-la-Futaie (4 km) se trouve la commune de Pontmain. Ce lieu de pèlerinage reste très populaire dans la région. La famille le tenait en grande vénération. La Vierge Marie (la « belle dame », selon les "voyants") y serait apparue à plusieurs enfants le 17 janvier 1871, laissant dans le ciel un message qui se déroulait sur une banderole : « Mais priez mes enfants, Dieu vous exaucera en peu de temps. Mon Fils se laisse toucher ».
Dès l’année suivante – promptitude très exceptionnelle –, l’évêque de Laval reconnut l’"authenticité" de l’apparition. La construction d’une grande église fut entreprise dès 1873 et achevée quatre ans plus tard seulement. Elle fut érigée en basilique par le pape Pie X en 1908.
Pour se documenter sur Notre-Dame de Pontmain, voir cet article de Wikipédia.
“ Camp de concentration ” ou “ dépôt d’internés ”
De 1914 à 1918, entre cinquante et soixante-dix "camps de concentration" (terme d’usage courant à cette époque), parmi lesquels les « dépôts de faveur » et les centres de triage, ont été éparpillés principalement dans l’Ouest et le Sud-ouest de la France. Parmi eux, Pontmain a compté parmi les plus importants. Comme nous ne disposons pas de connaissances propres à ce camp-là, nous n’évoquerons que la situation générale.
Les internés (qui pouvaient être groupés en familles entières) n’étaient en aucun cas des prisonniers de guerre, mais des civils originaires de nations ennemies ou des français suspects d’accointances avec elles ou de sympathie en leur faveur. Si certains camps étaient relativement ouverts, d’autres avaient un caractère nettement « disciplinaire », plus ou moins répressif. Ils étaient pour l’essentiel – on s’en doute –, réservés aux « mobilisables » austro-allemands, mais pas seulement. Les femmes, les enfants et les hommes non susceptibles de porter les armes étaient mis à part et pouvaient se voir reconduits à la frontière (suisse, en général) de gré ou de force. Jean-Claude Farcy, dans son ouvrage de référence Les camps de concentration français de la première guerre mondiale (1914-1920), décrit la très grande diversité de ces camps, qui tend à correspondre à celle des populations et qui reproduit nimium quantum les disparités des classes sociales. Il révèle que certains étrangers se trouvaient soulagés d’être internés pour échapper à l’hostilité de nombre de « bons français ». Il estime que les polonais, les tchèques et les sujets ottomans ont été, dans l’ensemble, des minorités privilégiées, ainsi que les notables en général, traités en « otages » parce qu’échangeables. Les Alsaciens-Lorrains, bien séparés des Allemands, disposaient en principe d’un régime spécial ; mais un nombre important d’entre eux fut traité comme suspects. Le sort des « indésirables » (entre autres les repris de justice, vagabonds, malades mentaux, trafiquants et, bien sûr, « filles soumises ») fut variable d’un camp à l’autre : l’arbitraire et l’opportunisme régnaient, au grand dam de la légalité. À la longue, la durée du conflit entraîna une forte dégradation des conditions de vie, surtout en ce qui concerne l’alimentation, ce qui provoqua des troubles et de la rébellion et, conséquemment, un accroissement des répressions. L’armistice ne mit pas fin à tous ces camps, tant s’en faut…
Pour autant, même si de cyniques pisse-froids ont osé prétendre que ces établissements camouflaient des sinécures dorées pour étrangers, ces "camps de concentration" n’avaient pas du tout été conçus avec les finalités qui seront bientôt celles que les nazis et les bolcheviks assigneront aux leurs (sans parler des camps instaurés par la France comme celui de Rivesaltes dans les Pyrénées-Orientales, ou en France par les nazis comme le Struthof dans le Bas-Rhin). De plus, les conditions de vie, même celles des suspects par présomption, étaient loin d’être aussi monstrueuses que celles des prisonniers des camps régentés par les régimes totalitaires. De ce fait, l’emploi du terme de "camp de concentration" pouvant prêter à de regrettables confusions, on peut lui préférer celui de “dépôt d’internés”. Par précaution, il est vivement à conseiller de toujours préciser la date, le lieu, et de quelle sorte de camps l’on parle.
On trouvera de nombreuses précisions sur ces camps dans un fichier Word ici.